La Phénoménologie Critique en tant que fondement des Sciences (10)

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4 years ago
This book, originally published in French, is part of my Collected Works, which I have published under the moniker "Intoccabile". Perhaps one day, this book will receive the translation it deserves!

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1.2.2 Phénoménologie Critique

Mais pourquoi critique?

Pourquoi notre phénoménologie est-elle critique?

Pour l'unique raison que cette phénoménologie tourne les talons et fait retour sur les connaissances d'essence et les critique à l'aune de leur prétention à la scientificité la plus rigoureuse.

Cette phénoménologie pense le pensé en tant que connaissance d'essence.

Cette phénoménologie se pense comme pensée en un redoublement op-posant. Cette phénoménologie des essences chosales, cette ontologie matérielle (et non du pur « quelque chose en général ») répond à l'exigence d'une dialectique du connaître, d'une discipline de la raison.

La phénoménologie critique prend conscience de l'exigence de fond épistémologique et ne se contente pas d'en arriver tout bonnement, en remuant les fesses et en clignant des yeux, à des connaissances d'essence ; elle ne dégénère jamais en dogmatisme assertorique.

Au contraire, elle valide ou invalide, en devenant à elle-même étrange (verfremdung) et comme une autre, en devenant problème radical, ses propres modalités d'accès aux essences et ces essences elles-mêmes en y faisant retour.

Dans les prochaines pages, nous mettrons en train ces profondes et combien épuisantes recherches qui nous mettront en position de réfléchir le procès de production des essences.

En conclusion, la problématique qui intéresse cet ouvrage est celle de l'accès à la Pensée, à l'objet en son immanence, dans « l'auto-consistance de ses prédicats» (Das-Auf-sich-selbst-gestellsein), de ses marques distinctives ( Merkmale ). La phénoménologie critique, qui se veut résolution de l'opposition superficielle entre réalisme et spiritualisme (opposition apparue pour la première fois dans le Philosophische Lexikon de J.G. Walch ) dans un refus total de l'option relativiste, se révèle voie royale vers le Penser, donc vers la science qui est prise en vue de l'objet dans sa concrétude.

Cette phénoménologie élude le psychologisme inhérent à la métaphysique moderne de la subjectivité - cette phénoménologie, pour ainsi dire, change de trottoir - pour aller droit aux choses elles-mêmes (« zu den sachen selbst »). Ce que notre doctrine cherche à accomplir, c'est de paver la voie vers un retour aux objets qui nous entourent, au monde, et de résoudre ce rapport à l'attenant en connaissances non seulement probables, non seulement vraisemblables ( non-contradictoires en elles- mêmes ), mais en connaissances d'essence, toujours en une perspective critique. Cette phénoménologie, en tant que rapport à l'environnant, au proche comme au lointain, se résolvant en connaissances d'essence fonde le système des sciences, fonde toute question possible sur l'étant. Lorsque nous affirmons que la phénoménologie critique fonde le système des sciences, nous n'avançons pas qu'elle fait figure d'étape nécessaire quoiqu'un peu moins scientifique que les sciences elles-mêmes: la philosophie n'est pas le cousin laid de la science. Au contraire, la phénoménologie critique en tant que ce qui rend possible toute science, en tant que doctrine de toute science possible, se veut plus scientifique que les sciences mêmes, étant ce sur quoi doit être placé et calqué toute science.

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Dixième partie - Notes

  1. La phénoménologie critique en tant qu'ontologie matérielle (les deux expressions sont équivalentes) se distingue très nettement de l'ontologie entendue en son sens traditionnel. L'ontologie matérielle se saisit des étants et résout cette saisie en essences tandis que l'ontologie traditionnelle « [...] est cette science ( formant une partie de la métaphysique ) qui constitue un système de tous les concepts d'entendement et des principes, mais seulement dans la mesure où ils se rapportent à des objets qui peuvent être donnés aux sens et par conséquent justifiés par l'expérience. » ( Kant, « Sur la question mise au concours par l'Académie des Sciences de Berlin : Quels sont les progrès réellement accomplis par la métaphysique en Allemagne depuis Leibniz et Wolff ? », dans WW., Édition Cassirer, t. VIII, p.238 )

  2. Notre phénoménologie critique doit souscrire à l'exigence d'une discipline de la raison au sens kantien du terme. Que l'on garde cela en tête en lisant l'extrait suivant, tiré de la Critique de la raison pure ( « L'usage discursif de la raison d'après des concepts et l'usage intuitif au moyen de la construction des concepts » ) : « Il semble alors que soit nécessaire une législation toute spéciale, mais négative qui, sous le nom de discipline, institue, à partir de la nature de la raison et des objets de son usage pur, comme un système de la précaution et de l'examen de soi-même devant lequel aucune apparence fausse et sophistique peut subsister, mais doit au contraire se trahir aussitôt, nonobstant toutes les raisons dont elle peut se farder. »

  3. C'est Merleau-Ponty qui, thématisant ce qu'il faudrait nommer l'exigence critique, en tant qu'exigence de l'effectuation d'une prise de conscience plus radicale, affirmait, dans sa Phénoménologie de la perception, que « [...] la réflexion ne peut être pleine, elle ne peut être un éclaircissement total de son objet, si elle ne prend pas conscience d'elle-même en même temps que de ses résultats. Il nous faut non seulement nous installer dans une attitude réflexive, dans un cogito inattaquable, mais encore réfléchir sur cette réflexion [...] »

  4. Au sujet de la notion de marques distinctives, voir : HÜSSERL, Edmund. Logische Untersuchungen. Zweiter Band. Untersuchungen zur Phänomenologie une Theorie der Erkenntnis [ Recherches logiques 2. Recherches pour la phénoménologie et la théorie de la connaissance. Première partie ( recherches I et II ) ]. France, Presses universitaires de France, collection Épiméthée, traduit de l'allemand par Hubert Élie, Arion L. Kelkel et René Schérer, 2005, 288 pages. En page 28 : [...] les « marques distinctives » ( Merkmale ) au sens originel du mot, en tant que propriétés « caractéristiques » destinées à faire connaître les objets auxquels elles adhèrent.

  5. L'option relativiste n'en est pas réellement une si l'on prend la peine de penser les choses à fond. En effet, « [...] il est impossible que la subjectivité personnelle en tant que telle puisse être principe du savoir. » ( Schleiermacher, Notes sur la dialectique de 1811 ). L'accès à un être qui vaut par-delà le relatif et se vérifie comme le monde universel des réalités ( Realitätenwelt ) exige l'abolition de la subjectivité en tant que fondement ou principe premier du savoir.

  6. Il serait intéressant d'apprécier ici à quel point l'impulsion phénoménologique, « l'aller aux choses mêmes », converge avec une certaine conception schopenhauerienne de la métaphysique. Selon Schopenhauer, tout métaphysicien commet une pétition de principe lorsqu'il affirme que la métaphysique ne peut puiser dans l'expérience ses concepts et ses principes fondamentaux. La métaphysique saute par-dessus l'expérience, renverse la méthode naturelle pour ne s'attacher qu'à des formes vides qui nous sont connues a priori. Ne serait-il pas plus naturel, lance-t-il, que la science de l'expérience en tant que telle, la métaphysique, puise aux sources de cette expérience ? Qu'elle n'en fasse pas tout bonnement abstraction ? Le devoir de la métaphysique, lance-t-il encore, n'est point de passer par-dessus l'expérience ( die Erfahrung zu überfliegen ) en laquelle seule consiste le monde, mais au contraire d'arriver à comprendre à fond l'expérience ( sie von Grund aus zu verstehen ). Or tel est le mandat de la phénoménologie critique.

  7. La phénoménologie critique, en tant qu'explicitation de la vie préscientifique de la conscience qui seule donne leur sens complet aux opérations de la science, est explicitation du monde.

  8. L'intuition est nécessaire au procès de production de l'essence. Par l’intuition le sujet produit une vue de la chose pour lui seul : la multiplicité des systèmes perceptifs condamne la communauté des sujets au relativisme. Ce en quoi l'entendre phénoménologique n'est pas l'intuition. Mais par contre, l’entendre phénoménologique n’advient que par l’intuition : on en arrive progressivement à l’essence en sursumant l'intuition par la représentation et en enrichissant cette dernière d'une rétroversion vers le contexte d'effectuation de l'intuition. C’est insensiblement que l’essence nous est dévoilée, pour finalement s’imposer à l’entendement comme évidence, comme une nécessité à la fois rationnelle et lumineuse : l’essence est ce qui attendait, elle n’est pas dévoilée, elle n’était pas cachée. L’essence est telle qu’elle se révèle, à la réflexion, comme absolument inconcevable en tant que non-existante. Tout doute imaginable par rapport à son existence est dépourvu de sens. L’essence peut être définie par sa nécessité.

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