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1.2 Caractérisation sommaire de l'objet du présent ouvrage
1.2.1 La Phénoménologie Critique: un Grand Chemin de Pensée
La question que le lecteur assurément se pose à la lecture de l'énoncé du titre pompeux comme un tapis rouge, et à bon droit, est : qu'est-ce que la phénoménologie critique ?
Il nous faut répondre : la phénoménologie critique est avant tout un chemin de pensée fécond, un Grand chemin - en opposition aux chemins qui ne mènent nulle part.
Nous ne pouvons exclure a priori la possibilité que par inexpérience philosophique le néophyte tombe, à propos de ces chemins qui ne mènent « nulle part », en un étonnement admiratif, se laisse prendre à la toile d'araignée des mots et honore en eux une génialité combien excellente et profonde:
« Habet enim oratio ( quod dictum olim est de Solonis legibus ) simile aliquid telae aranearum ; nam naerent in verbis et illaqueantur ingenia tenera et fastidiosa, fortia autem perrumpunt ».
Mais il est de notre humble avis que de la confrontation expresse de ce Grand chemin, que nous proposons, et de ces chemins qui ne mènent nulle part, devra procéder un jugement défavorable quant à la validité, quant à l'intérêt absolu de ces derniers.
Reprenons.
Un Grand chemin, en opposition aux chemins qui ne mènent nulle part, donc : un chemin qui mène, en définitive, quelque part. La phénoménologie critique est donc un Grand chemin, et encore, un chemin qui mène quelque part.
Soit !
Où donc mène ce chemin ? Vers la pensée.
Ainsi donc, de ces considérations préliminaires singulièrement superficielles nous pouvons conclure que la phénoménologie critique nous mène quelque part. Où ? Vers la pensée. Affirmer que la phénoménologie critique est un Grand chemin ou de Grand chemin, qu'elle se définit de manière oppositionnelle aux chemins qui ne mènent nulle part - elle leur « tourne le dos » - est affirmer en quelque sorte que seule elle nous mène quelque part : elle est, pour ainsi dire, l'antichambre du Penser par excellence - en un sens absolu.
Nous nous laissons mener, entraîner sur ce chemin, tirer par les cheveux même, par la phénoménologie, vers la pensée.
Mais qu'est-ce que Penser ? Qu'est-ce que la Pensée? Le Penser, en tant que structure intentionnelle, se réfère à « quelque chose ».
Penser est avant tout penser quelque chose, penser-vers, donc prendre en vue, accueillir ce qui est présent-là.
Et qu'importe la nature de l'objet - interne ou externe, immanent ou transcendant - (Ce n'est ni le lieu ni le moment de procéder à l'énumération et caractérisation exhaustives des objets de l'intention. Nous y reviendrons.)
Penser et objet sont liés en vertu d'une nécessité d'essence : aucune pensée sans objet. La phénoménologie se révèle voie royale vers la pensée, donc vers l'objet.
Que recherche, que désire réellement, ardemment, la phénoménologie critique ? Assurément plus que la satisfaction, le prestige de se voir sacrée voie royale vers la pensée et vers l'objet.
La phénoménologie critique recherche des vérités d'essence. Elle recherche la vérité sur l'objet, présumé bien connu, en tant qu'essence.
Nous avons maintenant en notre possession un pré-concept de la chose phénoménologique : chemin vers la pensée en tant que prise en vue d'objets se résolvant en connaissances d'essence sur ces même objets.
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Neuvième Partie - Notes
Note sur le caractère d'intentionnalité de la pensée. Nul ne saurait sérieusement contester le caractère d'intentionnalité de la pensée: « Si un être est conscience, affirme Merleau-Ponty, il faut qu'il ne soit rien qu'un tissu d'intentions. » Qui le conteste pense quelque chose et par là-même se contredit. Le caractère d'intentionnalité de la pensée, en tant que cette dernière se réfère, par essence, à un quelque chose qui lui est propre ou transcendant, est - nous pouvons en dire autant de l'existence du cogito, du je = je - une évidence rationnelle. Il est tout bonnement impossible qu'à son endroit quelqu'un puisse mentir ou se tromper (quod circa hoc non possit aliquis mentiri, sive errare). Le caractère d'intentionnalité est non-conditionnel, c'est-à-dire qu'il n'est pas tenu pour vrai à cause d'une supposition, telles ces choses qui sont admises à la suite d'une convention (est ut sit non-conditionale, idest non propter suppositionem habitum, sicut illa, quae ex quodam condicto ponuntur). Le caractère d'intentionnalité ne saurait être acquis par démonstration ou par un procédé semblable : il doit survenir comme naturellement, « de sorte qu'il soit connu de façon quasi naturelle et non par mode d'acquisition » (ut non acquiratur per demonstrationem, vel alio simili modo ; sed adveniat quasi per naturam habenti ipsum, quasi ut naturaliter cognoscatur, et non per acquisitionem). C'est toujours en vertu de la lumière naturelle que des principes premiers tels que celui-ci deviennent manifestes (Ex ipso enim lumine naturali intellectus agentis prima principia fiunt cognita). Le caractère d'intentionnalité de la pensée est, comme l'affirmait DesCartes au sujet de l'idée de Dieu, fort clair et distinct ( clara et distincta ), et il contient en soi plus de réalité objective qu'aucun autre. Il n'y en a point qui soit de soi plus vrai (nulla est per magis vera), ni qui puisse être moins soupçonné de fausseté (nec in qua minor flasitatis suscipio reperiatur).
L'illustre Franz Brentano, dans sa Psychologie d'un point de vue empirique, fortement influencé par la scolastique mais aussi par Saint Thomas et Suarez, a montré que l'ensemble des comportements, y compris donc la pensée, ont en commun l'intentionnalité, le caractère du se-diriger-sur-quelque-chose. Hüsserl analyse, dans ses Recherches logiques, ainsi que dans ses Idées..., la structure de l'intentionnalité.
Caractérisation de la pensée selon F.D.E. Schleiermacher ( Dialectique ) : « D'abord qu'est-ce que la pensée ? Réponse : l'activité de l'esprit qui s'achève dans l'identité avec le discours et qui se rapporte à quelque chose qui est posé à l'extérieur de l'activité elle-même. » Que l'on pense aussi à ce que J.G. Fichte, dans ses méditations personnelles sur la philosophie élémentaire, affirmait au sujet de la pensée : « L'intelligence n'est pas référée à elle-même, mais à ce qu'elle intellige. L'intelligence est et reste tournée vers l'extérieur. » Jean-Paul Sartre affirme à son tour, dans L'être et le néant, qu'« il n'y a pas d'être pour la conscience en dehors de cette obligation précise d'être intuition révélante de quelque chose. » Heidegger, dans Les problèmes fondamentaux de la phénoménologie affirme : « Ce que nous nommons « perception » c'est, de façon plus explicite, le fait de s'orienter perceptivement sur le perçu de telle sorte que le perçu soit compris en tant que tel dans sa perceptité [...] » H.Rickert (Der Gegenstand der Erkenntnis) affirme que « Les concepts de sujet et d'objet s'exigent l'un l'autre. »
P. Natorp ne dit pas autre chose (voir sa caractérisation de la Bewusstsein - « être-conscient » - dans Allgemeine Psychologie nach Kritischen Methode). Merleau-Ponty affirme dans sa Phénoménologie de la perception que « dès qu'il y a conscience, et pour qu'il y ait conscience, il faut qu'il y ait quelque chose dont elle soit conscience, un objet intentionnel, et elle ne peut se porter vers cet objet qu'autant qu'elle s'irréalise et se jette en lui, que si elle est toute entière dans cette référence à... quelque chose, que si elle est un pur acte de signification. » Nous pourrions multiplier sur des pages entières les références à l'histoire de la philosophie et les auteurs cités, malgré la multiplicité des orientations et Écoles, convergeraient en majeure partie vers cette thèse un peu fade qu'il n'est de pensée sans objet.
Selon Kant, un objet est soit immanent ou transcendant : « Or, il n'y a que deux espèces d'objets des sens [...] ceux des sens extérieurs, par suite l'ensemble de ces objets, la nature corporelle [...] l'objet du sens interne et, suivant les concepts fondamentaux de l'âme en général, la nature pensante. »
Hegel, sur les objets présumés bien-connus: « Le bien-connu en général, pour la raison qu'il est bien connu, n'est pas connu. C'est la façon la plus commune de se tromper et de tromper les autres, à propos du connaître, que de présupposer quelque chose comme bien connu, et de l'accepter ainsi. »
Ce qui pour Saint-Thomas s'applique au principe le plus manifeste, le principe de contradiction, pour nous s'applique tout aussi bien à l'intentionnalité en tant qu'évidence rationnelle.