La Phénoménologie Critique en tant que fondement des Sciences - sixième partie
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F. Phénoménologie critique et Verfall
Nous sommes, au terme de ces considérations liminaires, au fait du pourquoi de l'ouvrage.
Cet ouvrage, n'est-ce pas ?, a été mis en train afin de mettre un frein au Verfall en tant que condition inéluctable d'une humanité qui, hors de toute possibilité d'entente concrète, hors de toute « entente » quelle qu'elle soit, tourne en rond autour d'elle-même.
Cet ouvrage, en tant qu'intervention et interpellation, en tant que position de principes devant mener à une sursomption du régime de connaissance actuel ( passage du régime subjectiviste, lequel procède de cette diadokè de l'erreur que nous avons cru bon nommer métaphysique moderne de la subjectivité, au régime objectiviste ), ou en d'autres termes, à une discipline telle que la phénoménologie critique, répond au fait que nous ne pensons plus, ne savons plus penser. Nous devrons nous resigner à réapprendre la Pensée. En tant que discipline de fond, en tant que fonds essentiel, la phénoménologie critique, le type même de toute philosophie scientifique aujourd'hui, se révèle voie d'accès vers ce paradis perdu de la pensée et voie d'échappée hors du bavardage.
En ces pages, se fait jour pour l'homme la possibilité d'un « sauvetage de la pensée », d'une rédemption de la vérité. La phénoménologie critique, entité judicative ( pars iudicativa ) de l'édifice des sciences puisque son jugement sur les sciences qui lui sont subordonées - qu'elle fonde - comporte lui-même la certitude de la science ( certitudine scientiae ), redonne à la pensée, denrée rare qui aujourd'hui rougit de n'être pas universellement effective, un avenir ; gravement, elle montre du doigt son triomphe et sa gloire futurs.
La réaction au demeurant combien éclairante de l'intellectuel au Verfall en tant que suite d'une ignorance bien spécifique intéressant les objets du monde de la vie sera d'amasser, en une injustifiable frénésie, connaissances sur connaissances, de se complaire dans cet infini amasser qui n'est que l'expression de la vacuité de sa personne, et de croire qu'au bout du tunnel de cet infini amasser un antidote au Verfall surgirait du néant. Au contraire, c'est seulement dans cet acte d'abandon de l'amasser vide des connaissances, du mauvais infini des connaissances abstraites, ou autrement dit, dans l'anti-intellectualisme - mais cet anti-intellectualisme est en fait un intellectualisme anti-intellectuel -, que la Connaissance, qu'un authentique antidote au Verfall s'offre à la vue de qui aspire véritablement savoir.
La situation présente, celle d'une humanité bornée au bord du gouffre d'un âge noir, ordonne non pas l'amasser vide et sans limites de l'intellectuel collectionneur de papillons que l'attention soutenue à la Pensée et au langage. Moins de connaissances, plus de Pensée : tel devrait être le mot d'ordre.
L'amasser de l'intellectuel, amasser que nous désignerons à partir de maintenant par le terme d'intellectualisme, ce voir rien que pour voir, ce repoussement infiniment réitéré de la limite, de la satiété, est un dérangement d'esprit et un néant qui ne saurait avoir de terme, car en tant que visée de l'infini, il se poursuit à l'infini.
L'intellectuel, dans l'exercice infiniment réitéré de cette visée de l'infini, ou autrement et peut-être mieux dit, du néant, réitère infiniment la médiocrité de sa personne. Cet amasser qui vise l'infini des connaissances, le non-réalisable, vise le rien, et l'intellectuel, en tant que prisonnier de sa curiosité proprement insatiable et de son amasser vide, n'est rien.
L'intellectualisme a ceci en commun avec le scepticisme tel que défini par Hegel qu'il finit avec « l'abstraction du néant ou de la vacuité », et qu'il lui faut attendre « si et quoi d'aventure s'offre à lui comme nouveau, pour le jeter dans ce même abîme vide ». L'intellectualisme, ce dérangement de l'esprit, ce rêve - le rêve d'en savoir toujours plus, rien que pour savoir, et pourquoi ? Parce que - au sein duquel est poursuivi « ce long chemin, toujours plus loin et plus loin, à perte de vue », est la grande affection d'une génération absolument perdue pour la Pensée, d'une époque vulgaire qui, cellulaire intelligent en main, évolue toujours plus loin de l'Esprit et toujours plus profondément au sein d'un Verfall auquel elle croit échapper en se repaissant de la nourriture douteuse de connaissances livrées en ballots dociles.
Sixième partie - Notes
La phénoménologie est une entité judicative, elle possède un pouvoir d'appréciation ou de jugement vis-à-vis des sciences inférieures, subordonnées ; non seulement d'appréciation, mais aussi de régence. En tant que régente des sciences inférieures, qu'elle fonde, elle possède un caractère pratique, ce qui finit de problématiser sa subsomtion sous le type de science spéculative-théorétique, traditionnellement défini en opposition au type pratique.
Au sujet du mauvais infini : HEGEL, Georg Whilhelm Friedrich. Wissenschaft der Logik [ Science de la logique ]. Paris, Aubier Montaigne, collection Bibliothèque de philosophie, traduit de l'allemand par Pierre-Jean Labarrière et Gwendoline Jarczyk, 1972, tome I, livre I.