Théologie Critique: Éléments pour une interprétation de Marc 4:35-41

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4 years ago

Éléments pour une interprétation de Marc 4:35-41, à la lumière du chapitre III de l'ouvrage d'Eugen Drewermann: "L'Évangile de Marc : images de la rédemption".

L'ouvrage sur lequel porte la discussion est:

DREWERMANN, Eugen. Das Markusevangelium [ L'évangile de Marc : images de la rédemption ]. Paris, Éditions du Cerf, traduit de l'allemand par Jean-Pierre Bagot, 1993, 119 pages.

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Marc 4:35-41, Version Darby

(Mar 4:35 FDB) Et en ce jour-là, le soir étant venu, il leur dit: Passons à l'autre rive.

(Mar 4:36 FDB) ayant renvoyé la foule, ils le prennent dans une nacelle, comme il était; et d'autres nacelles aussi étaient avec lui.

(Mar 4:37 FDB) Et il se lève un grand tourbillon de vent, et les vagues se jetaient dans la nacelle, de sorte qu'elle s'emplissait déjà.

(Mar 4:38 FDB) Et il était, lui, à la poupe, dormant sur un oreiller; et ils le réveillent et lui disent: Maître, ne te mets-tu pas en peine que nous périssions?

(Mar 4:39 FDB) Et s'étant réveillé, il reprit le vent, et dit à la mer: Fais silence, tais-toi! Et le vent tomba, et il se fit un grand calme.

(Mar 4:40 FDB) Et il leur dit: Pourquoi êtes-vous ainsi craintifs? Comment n'avez-vous pas de foi?

(Mar 4:41 FDB) Et ils furent saisis d'une grande peur, et ils dirent entre eux: Qui donc est celui-ci, que le vent même et la mer lui obéissent?

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Marc 4:35-41, Version Louis Second

(Mar 4:35 FLS) Ce même jour, sur le soir, Jésus leur dit: Passons à l'autre bord.

(Mar 4:36 FLS) Après avoir renvoyé la foule, ils l'emmenèrent dans la barque où il se trouvait; il y avait aussi d'autres barques avec lui.

(Mar 4:37 FLS) Il s'éleva un grand tourbillon, et les flots se jetaient dans la barque, au point qu'elle se remplissait déjà.

(Mar 4:38 FLS) Et lui, il dormait à la poupe sur le coussin. Ils le réveillèrent, et lui dirent: Maître, ne t'inquiètes-tu pas de ce que nous périssons?

(Mar 4:39 FLS) S'étant réveillé, il menaça le vent, et dit à la mer: Silence! tais-toi! Et le vent cessa, et il y eut un grand calme.

(Mar 4:40 FLS) Puis il leur dit: Pourquoi avez-vous ainsi peur? Comment n'avez-vous point de foi?

(Mar 4:41 FLS) Ils furent saisis d'une grande frayeur, et ils se dirent les uns aux autres: Quel est donc celui-ci, à qui obéissent même le vent et la mer?

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Marc 4:35-41, Version King James

(Mar 4:35 KJV+) And the same day, when the even was come, he saith unto them, Let us pass over unto the other side.

(Mar 4:36 KJV+) And when they had sent away the multitude, they took him even as he was in the ship. And there were also with him other little ships.

(Mar 4:37 KJV+) And there arose a great storm of wind, and the waves beat into the ship, so that it was now full.

(Mar 4:38 KJV+) And he was in the hinder part of the ship, asleep on a pillow: and they awake him, and say unto him, Master, carest thou not that we perish?

(Mar 4:39 KJV+) And he arose, and rebuked the wind, and said unto the sea, Peace, be still. And the wind ceased, and there was a great calm.

(Mar 4:40 KJV+) And he said unto them, Why are ye so fearful? how is it that ye have no faith?

(Mar 4:41 KJV+) And they feared exceedingly, and said one to another, What manner of man is this, that even the wind and the sea obey him?

( John Wesley ) Mar 4:39 Peace - Cease thy tossing: Be still - Cease thy roaring; literally, Be thou gagged.

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Marc 4:35-41, Grec

Mar 4:35 Καὶ λεγει αὐτοις εν εκείνῃ τῇ ἡμερᾳ ὀψίας γενομενης· διελθωμεν εις τὸ περαν.

Mar 4:36 καὶ ἀφεντες τὸν ὄχλον παραλαμβανουσιν αὐτὸν ως ἦν εν τῷ πλοίω· καὶ ἄλλα δε πλοια ἦν μετ᾿ αὐτου.

Mar 4:37 καὶ γίνεται λαιλαψ ἀνεμου μεγαλη, τὰ δε κυματα επεβαλλεν εις τὸ πλοιον, ὥστε αὐτὸ ἤδη γεμίζεσθαι.

Mar 4:38 καὶ ἦν αὐτὸς επὶ τῇ πρυμνῃ επὶ τὸ προσκεφαλαιον καθευδων· καὶ διεγείρουσιν αὐτὸν καὶ λεγουσιν αὐτῷ· διδασκαλε, οὐ μελει σοι ὅτι ἀπολλυμεθα;

Mar 4:39 καὶ διεγερθεὶς επετίμησε τῷ ἀνεμω καὶ εἶπε τῇ θαλασσῃ· σιωπα ( , πεφίμωσο. καὶ εκοπασεν ὁ ἄνεμος, καὶ εγενετο γαληνη μεγαλη.

Mar 4:40 καὶ εἶπεν αὐτοις· τί δειλοί εστε οὕτω; πως οὐκ ἔχετε πίστιν;

Mar 4:41 καὶ ἐφοβήθησαν φό φοβηθησαν φοβον μεγαν καὶ ἔλεγον πρὸς ἀλληλους· τίς ἄρα οὗτος εστιν, ὅτι καὶ ὁ ἄνεμος καὶ ἡ θαλασσα ὑπακουουσιν αὐτῷ;

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Mon commentaire

P. 79 : « Celui qui, libéré de l'angoisse et de l'hétéronomie, accède au royaume d'une confiance authentiquement régénérante devra comprendre la personne de Jésus, en qui s'accomplit cette mutation, comme la condensation d'un moment absolu qui constitue un tournant de l'histoire. »

En nous référant au passage... il nous est permis d'avancer que les disciples du Christ sont, par ou en vertu de sa grâce, « libérés de l'angoisse et de l'hétéronomie ».

Peut-être faudrait-il nous rendre plus attentifs aux lexies angoisse et hétéronomie, dont le sens et l'articulation semblent aller de soi ?

Que faut-il « entendre » par angoisse et hétéronomie ?

Les forces déchaînées de la nature, qui dès le verset 37 menacent et les barques et la troupe, sont les figures de l'hétéronomie. Évidemment, il nous serait possible de fournir une interprétation symbolique ou archétypale des forces déchaînées de la nature mais pour l'instant, contentons-nous d'un survol naïf du passage en question.

L'angoisse a pour objet intentionnel ces forces déchaînées de la nature... l'angoisse est liée, en vertu d'un rapport d'essence à l'hétéronomie des forces de la nature.

Les disciples, étant prisonniers de leur angoisse, liés à leur angoisse, montrent par là qu'ils ne sont pas, ou si peu, liés au Christ et c'est ce que le Christ, irrité, leur reproche au verset 40.

[ Pourquoi avez-vous ainsi peur ? Comment n'avez-vous point de foi ?

Peur : δειλος, deilos, di-los'. Selon le commentaire de Strong ( Strong's Hebrew and Greek dictionaries ) : from δεος deos (dread); timid, that is, (by implication) faithless: - fearful. ]

Le verset 40 est le tournant du passage.

Verset 40 : Jésus brise cette angoisse et par sa parole les fait accéder, comme l'affirme Drewermann, au « royaume » d'une confiance authentiquement régénérante.

La parole du Christ « fait monde » ( Es Weltet ), ouvre un monde pour ses disciples, un monde d'attente apocalyptique... un monde au sein duquel la temporalité des disciples sera vécue désormais en un mode apocalyptique... un monde qui se définit différentiellement au monde dont parle Jésus en affirmant « Je ne suis pas de ce monde », le monde de la Loi et des usages juifs.

Verset 41 : les disciples réalisent dans leur « effroi » avec qui ils ont véritablement, pour ainsi dire, « affaire » ( qui est cet homme ? What manner of man is this ? Questions qui au fond n'appellent pas réponse ), et réalisent la véritable teneur des propos du Christ... et c'est, quant à moi, l'événement qui les projette au sein d'un monde au sein duquel le temps est vécu sur un mode apocalyptique.

« Qui est cet homme ? » « What manner of man is this ? » Les disciples passent, littéralement, de l'autre côté ( verset 35 ) !

Jésus est celui en qui et par qui s'accomplit cette mutation, c'est-à-dire cette projection des disciples en un monde au sein duquel la temporalité est vécue sur un mode apocalyptique.

Comme l'affirme J. Blank ( note de bas de page, p. 99 ) : le miracle comme signe eschatologique et sotériologique du salut.

L'objet de la peur change d'objet : au verset 38, leur peur a pour objet les forces de la nature... et verset 41, la peur a pour objet le Christ, qui s'est révélé être à la hauteur – et encore – des forces de la nature. Le Christ a le caractère d'un objet familièrement étrange... si proche et porteur d'un amour si singulièrement incompréhensible ( tremendum ) qu'il en devient effrayant.

Mots utilisés pour exprimer la crainte des disciples : verset 38, deilos ; verset 41 ; phobeo.

Au verset 41, ne s'agit-il pas de la crainte de Dieu de l'ancien Testament ?

D'un point de vue strictement textuel, le passage semble être construit de façon à mettre en évidence l'effet miraculeux du Dire Christique... structure fondamentale du passage : situation initiale ; mise en train du noeud et arrivée des forces incidentes dans la trame de la fable ; résolution du noeud : Jésus contre les forces de la nature ; résolution et conclusion.

...

Sur la méthode de Drewermann :

Il était un temps... où le chercheur était sommé, mis en demeure de choisir entre foi et méthode historico-critique. La méthode de Drewermann ( psychologie des profondeurs au service de la théologie ) nous convainc que cette disjonction douloureuse ( on peut penser à Albert Schweitzer ) n'est plus vraiment nécessaire.

En effet, même si l'historicité / crédibilité historique, au sens rigoureux du terme, de l'Écrit ne peut être attestée par la méthode historico-critique, par des études de genèse, de sources, ce qui peut être attesté, par contre, est la valeur psychologique / existentielle de ces récits pour la communauté primitive ( donc leur valeur historique, mais en un autre sens ! ), qui peuvent être considérés comme étant la cristallisation d'une expérience et dont on peut fournir une interprétation archétypale et symbolique. Caractère historique d'un récit dont la valeur ne peut être attestée par la méthode démythologisante et historisante.

Ne faudrait-il pas parler d'historicité en un autre sens ? Non pas historicité en tant que ce qui correspond aux données de l'histoire, en tant que science positive dont les méthodes, les modes d'inférence, s'apparentent à celles des sciences de la nature ( Bultmann ) ; mais historicité au sens de ce qui, dans l'histoire de l'humanité, vaut sur les plans psychologique et existentiel. Ceci correspond, en fait, à la disjonction heideggerienne historische / geschichte.

Comme l'affirme Drewermann en page 94 : « [...] des textes [...] peuvent également être vrais historiquement, alors même que la critique historique les déclare « non historiques. »

Merci de votre attention :)

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